Retour vers le passé : Le Venin de la Peur (1971)

 

Thriller/horreur
Long métrage italien/espagnol/français
Réalisé par Lucio Fulci
Scénarisé par Lucio Fulci, Roberto Gianviti, Jose Luis Martinez Molla, André Tranché et Ottavio Jemma
Avec Florinda Bolkan, Stanley Baker, Jean Sorel, Leo Genn, Anita Strindberg…
Titre original : Una Lucertola con la pelle di donna
Année de production : 1971

Comme l’ami Photonik l’a souligné dans son excellent article Apophenia, le giallo est un sous-genre protéiforme qui ne se réduit pas à la figure codifié du tueur anonyme, masqué, ganté et adepte de l’arme blanche. Si Le Venin de la Peur, deuxième incursion de Lucio Fulci dans le giallo après son Perversion Story sorti en 1969, est catégorisé en tant que tel, l’histoire n’est pas vraiment marquée par une suite de morts violentes, il n’y en a d’ailleurs que deux…la deuxième n’est pas montrée directement, on découvre la victime après l’acte…et la première, la plus importante, a lieu dans un cauchemar, ce qui questionne dans un premier temps son authenticité…

 

 

L’onirisme tient une place importante dans l’ouverture du Venin de la Peur de façon troublante, avec deux scènes aussi angoissantes que marquées par un érotisme torride. Carole Hammond (la brésilienne Florinda Bolkan, que Fulci dirigera une nouvelle fois dans La Longue Nuit de l’Exorcisme) est dans un train, le visage paniqué. Elle court mais les couloirs des compartiments sont bondés, les voyageurs étant soudainement remplacés par une foule nue, qui enserre Carole jusqu’à l’étouffer. La rêveuse chute alors dans l’obscurité pour tomber sur une couche d’un rouge éclatant où l’attend une femme blonde campée par la sculpturale suédoise Anita Strindberg. Elles font l’amour passionnément…mais la revisite de cette même scène quelques minutes plus tard ne se termine pas de la même façon puisque Carole tue sa partenaire en la lardant de coups de couteaux…

Entre les deux cauchemars, on découvre que la blonde est en fait la voisine de la brune, une femme aux moeurs dissolues dont le mode de vie obsède Carole qui décrit régulièrement ses fantasmes à son psychanalyste. Fille d’un célèbre avocat et femme de l’associé de son père (joué par l’inexpressif Jean Sorel), Carole se sent prisonnière d’un mariage sans amour (son mari la trompe d’ailleurs avec une amie) et d’un carcan social (une « cage », ce qui était d’ailleurs le titre original voulu par Fulci mais refusé par ses producteurs) dans lequel elle s’ennuie ferme. Lucio Fulci l’exprime notamment judicieusement par le montage alterné entre le dîner ennuyeux des petits bourgeois et la fête orgiaque qui se déroule au même moment dans l’appartement voisin…

 

 

Le lendemain, Julia est retrouvée morte, exactement de la même manière que dans le rêve de Carole. Tout accuse Mme Hammond mais le compte-rendu de ses séances avec le psy entretient le doute. Le déroulement va alors être partagé entre l’enquête policière menée par l’inspecteur interprété par Stanley Baker (vu notamment dans Les Canons de Navarone et Zoulou) et les tourments de Carol, hantée par deux silhouettes aperçues dans ses rêves. Fulci différencie les deux par sa mise en scène…la partie avec les flics (qui n’est pas ma préférée) est réalisée assez classiquement alors que dès que Carol est à l’écran, les effets utilisés (zooms, images saccadées, split-screen, plans rapides…) illustrent efficacement son état mental et brouillent la frontière entre rêve et réalité.

Le Venin de la Peur parle d’hypocrisie, de manipulation et ce jusqu’à une résolution en deux temps après une dernière fausse piste. Le long métrage prépare aussi en quelque sorte au versant horrifique de la carrière de Lucio Fulci, par l’emploi de visuels symboliques et malaisants et des plans gores qui lui ont causé quelques problèmes à l’époque (il a du prouver devant tribunal que l’étrange scène de vivisection était bien factice)…

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