Qui a peur du grand méchant loup ?
Je
m’étais un peu lassée du sujet du harcèlement dans le manga, trouvant
qu’il était un peu toujours traité de la même façon. J’y reprends
vraiment goût avec la mélancolie poétique et fantastique de ce titre !
A un tome de la fin, les autrices nous offrent ici une lecture vraiment
dense, riche en hypothèses et contre-hypothèses, recherches et frayeurs,
émotions et solitudes. Il y a vraiment un très beau travail à la fois
sur l’ambiance étrange de cette histoire et sur les aspects
psychologiques réels en lien avec les troubles que ces jeunes
personnages ont vécu dans leur vie. Ça me touche, ça me parle.
Après leur rencontre ratée dans le monde réel afin d’aider Masamune, il
est temps pour eux de se remettre en question, c’est ce qu’ils font dans
une partie un peu longuette qui entame cette lecture, où chacun raconte
comment est le monde dans lequel il vit, ce qui les fait aboutir à une
drôle d’hypothèse. J’ai trouvé ce début un peu lourd et je n’ai pas été
convaincue par leur théorie qui prenait bien trop de place dans la
lecture. Heureusement les autrices n’en restent pas là et repartent
ensuite sur ce qui fait le sel de la série : les troubles de chacun.
C’est vraiment là-dedans que je m’épanouis personnellement et non pas
tellement dans les mystères de ce lieu singulier.
J’ai tout de même aimé l’association des deux ici. J’ai aimé voir ces
enfants chercher enfin des réponses mais savoir aussi s’en écarter pour
chercher leur propre bonheur, eux qui s’en voient un peu dépouillés dans
le monde réel. En suivant la figure de Kokoro, on décortique vraiment
bien les mécanismes du harcèlement scolaire, de la position de chaque
partie : victime, harceleur, enseignants, parents. Tout est écrit avec
justesse et une belle forme de recul, notamment quand il est évoqué les
émotions de chacune des filles, le fait que la harceleuse ne va sûrement
pas bien, mais que ce n’est nullement à la victime de s’en préoccuper,
ou encore que certains adultes ne parviennent pas à procurer les bons
messages, à trouver la bonne voie, et qu’il faut parfois faire appel à
quelqu’un d’extérieur. C’est éclairant et assez moderne. On voit qu’ils
ont évolué sur la question par rapport à sa représentation passée. J’ai
clairement beaucoup aimé cette phase introspective.
Mais j’ai également beaucoup aimé les éléments fantastiques de
l’histoire à ce stade. Il y a certes une introduction bien trop longue
mais c’était amusant de suivre la théorie de Masamune. Cependant, c’est
le final qui donne ses lettres de noblesse à ce tome avec un
retournement brutal, qui va bousculer les paradigmes établis (et
confirmer, j’ai l’impression ma propre théorie), dans une ambiance
stressante à souhait où enfin la dimension conte horrifique, conte
psychologique, prend toute sa place. J’ai adoré l’exploitation faite des
contes de Grimm dans leur dimension réflexive mais aussi graphique avec
un côté vraiment effrayant. Enfin on touche à l’essence du titre et
tout s’y marie à merveille.
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