Réveil dans un lieu inconnu, que faire ? S'installer ou tenter d'atteindre la planète initiale ?

Les éditions Critic et les Humanoides Associés s’associent une nouvelle fois pour adapter un roman de Science-fiction en bandes dessinées. Il y a eu Peaux épaisses, le sang des immortels, c’est maintenant au tout d’Arca d’être mis en image à partir du roman Pyramides de Benassaya. La différence notable dans cet album est que dans cette adaptation, c’est le romancier qui est aux commandes du scénario, Romain Benssaya, secondé par Joan Urgell aux dessins.

Le lecteur est projeté en 2186, à bord d’un immense vaisseau, ARCA III. Une grande partie des humains ont fui une Terre appauvrie, désolée et devenue complètement inhabitable suite aux excès de l’activité humaine. Plusieurs arches ont décollé pour tenter d’atteindre une planète viable aux conditions de vie similaire à la Terre. Un sommeil cryogénique permet de conserver les humains pour tenir le voyage qui devrait durer 200 ans. Seulement voilà, lors du réveil des premiers humains, tout est un peu floue. Le vaisseau n’est pas sur la planète de la Griffe du Lion mais sur une surface inconnue dépourvue de lumière. De plus, il semblerait qu’il se soit passé bien plus que 200 ans…

Les premières pages nous permettent de faire connaissance avec les deux personnages principaux, Eric et Joana. Ils sont en couple, le premier gère la mission d’exploration alors que la seconde est une scientifique qui a mis au point les jardiniers, des petits êtres intelligents capables d’entretenir un jardin pour répondre aux besoins des humains en oxygène et en nourriture. Très rapidement, face à l’inconnu, nos deux personnages vont prendre des chemins très différents. Eric va vouloir comprendre où ils se sont échoués et tenter d’atteindre coûte que coûte leur destination initiale. Joana va plutôt orienter ses efforts à s’adapter à ce nouvel environnement et implanter définitivement la colonie. En parallèle à cela, le scénariste va orienter son histoire autour de deux éléments clés. Le premier est le lieu sur lequel s’est échoué le vaisseau, qui regorge de mystères et de secrets. Le second est ce fameux peuple de jardiniers qui a énormément évoluer jusqu’à pouvoir communiquer avec les humains et penser par eux-mêmes. Tout cela apporte un scénario complexe, bien ficelé qui capte très vite l’attention du lecteur. Ce dernier suit avec beaucoup de plaisir la trame écrite par Benassaya jusqu’à la conclusion ouverte qui permettra peut-être à une suite de s’écrire.

Les dessins sont également très bien réalisés. On sent le dessinateur très à l’aise que ce soit pour les personnages, pour le décor spatial ou encore le décor de l’intérieur du vaisseau. Les autres formes de vie sont également originales et bien travaillées. Urgell travaille à l’aquarelle et même si la colorisation paraît un peu pâle, cela se fond parfaitement dans le décor d’un univers sans étoile pour l’éclairer. On prend beaucoup de plaisir à regarder toutes ces créatures évoluaient sous nos yeux. On différencie plutôt facilement les personnages, c’est un peu plus délicat pour les jardiniers mais malgré tout, grâce à un jeu de couleurs, le dessinateur a permis d’en sortir deux du lot qu’on arrive plus ou moins rapidement à identifier.

Un peu comme le film Cube, le décor reste un support dans cette bande-dessinée qui permet de donner certes un but, celui de sortir, de s’échapper, mais surtout un moyen de développer les personnages et de les pousser à aller au bout de ce en quoi ils croient, même si cela sera source de conflits et les opposera par la suite. En tant que lecteur, avec le recul possible de ce rôle, on se rend compte qu’on peut facilement comprendre la vision totalement différente voire opposée des deux protagonistes. Il n’y a pas de bons ou de mauvais choix, juste une vision de la vie différente et des aspirations qui ne peuvent cohabiter. L’univers présenté est doublement intéressant. D’abord il y a ce peuple de jardiniers qui a évolué et s’est pour ainsi dire humanisé allant jusqu’à devenir totalement libre de penser et d’agir en suivant leur propre volonté. J’ai beaucoup aimé ce que l’auteur a projeté dans ce peuple, avec une dissension en son sein qui va diviser les créatures. Et puis il y a ce lieu mystérieux dont a envie d’en découvrir l’histoire, les secrets et d’en sortir.

La fin n’en est pas vraiment une, on imagine ce qu’elle pourrait être mais on ne le verra pas,. C’est un frustrant et on espère secrètement qu’une suite pourra être donnée pour exploiter encore un peu cet univers riche que le scénariste a créé.

J’ai donc passé un excellent moment avec cette BD qui développe en parallèle une belle histoire de SF avec un lieu inconnu et mystérieux peuplé de créatures dangereuses et une jolie histoire humaine dans laquelle deux protagonistes amoureux voient leur chemin commun prendre deux directions diamétralement opposées qu’on peut très facilement comprendre. Il n’y a ni mal, ni bien, juste deux personnages qui pensent différemment et qui iront au bout de leurs convictions pensant que c’est ce qu’il y a de mieux pour la communauté. L’association des deux éditeurs confirme une nouvelle fois la qualité de leur choix scénaristique mais également la réalisation d’un bel album qui donne envie d’en découvrir d’autres.